Amal Bouchareb (directrice de la revue « Arabesque ») : « On aspire à fournir au lecteur italien des outils de référence pour reconnaître la culture arabe dans toute sa diversité »

« Arabesque » est une nouvelle revue italienne semestrielle, dont le premier numéro vient de paraître en Italie, aux éditions Puntoacapo, sous la direction de l’écrivaine et traductrice Amal Bouchareb*. Tout en allant à contre-courant des tendances et des horizons d’attente, cette revue « interculturelle » se propose de « présenter la littérature et la culture arabes au lecteur italien ». Dans cet entretien, Amal Bouchareb revient sur la naissance de cette publication, sa ligne éditoriale et le contenu du premier numéro, qui a eu pour dossier « L’amour dans la culture arabe », et qui a fait la part belle à l’Algérie.

  • Comment est née cette revue ?

Amal Bouchareb : J’en ai eu l’idée lorsque le directeur de la prestigieuse « Italian Poetry Review », le professeur Paolo Valesio, m’a demandé à la fin 2019 de préparer, pour sa revue, un dossier sur la poésie arabe. J’ai sollicité à cet effet des poètes algériens et arabes et des traducteurs italiens pour préparer des traductions ad hoc pour IRP. Et puis j’ai pensé que ça serait plutôt intéressant de lancer une publication consacrée à la littérature arabe en langue italienne destinée au grand public. Je me suis mise au travail tout de suite, j’ai défini la ligne éditoriale, j’ai sollicité des abstracts sur des thèmes précis aux arabistes italiens avec l’aide de la grande chercheuse et traductrice italienne spécialiste en littérature algérienne, Jolanda Guardi.  On a conclu le numéro zéro de « Arabesque » au mois de novembre 2020, du coup je l’ai proposé à Puntoacapo Editrice, qui a accueilli le projet chaleureusement.

  • Quelle est la ligne éditoriale d’« Arabesque » et comment elle s’organise ?

Avec « Arabesque » on vise à donner une image véridique de la culture arabe sous ses divers aspects : littérature (poésie, roman, nouvelle), arts visuels, cinéma, musique, etc., au-delà du paradigme colonial encore dominant en Europe. Pour autant, on ne se limite pas à travers les traductions, les articles et les interviews menés à couvrir de la façon la plus complète possible les thématiques abordées dans chaque numéro, mais on aspire surtout à fournir au lecteur italien des outils de référence pour reconnaître la culture arabe dans toute sa vastitude, richesse et diversité, afin qu’il puisse la distinguer de celle de la subjectivation orientaliste.  

  • Qu’en est-il du choix du titre ?

En Italien, Arabesque est un terme artistique par excellence. En un sens, il renvoie au type de composition musicale majoritairement pour piano, dont le mouvement rythmique rappelle la sinuosité du style mauresque. C’est à ce sens que je voulais me réapproprier, à travers une publication qui incarne cette notion artistique et mimique, son mouvement élégant. La culture arabe en Italie n’est associée depuis des années qu’au vocabulaire de la guerre, avec ce titre, par ailleurs, je voulais éveiller dans le lecteur italien le sens d’émerveillement envers la culture arabe qui n’a jamais manqué d’enrichir son patrimoine culturel. En choisissant ce titre, je voulais donc mettre l’accent sur la force unifiante de la culture.  

  • Quel est le sommaire de ce premier numéro d’« Arabesque » ?

L’amour dans la culture arabe était le dossier de ce premier numéro. Un sujet peu commercial par rapport aux publications consacrées aux questions ayant trait à la géopolitique. Mais c’est comme ça que nous avons choisi d’aller à contre-courant ! L’Algérie était aussi au centre de ce numéro, et c’était un autre choix atypique, car l’Algérie ne pose pas beaucoup de problèmes sur la scène internationale, et donc elle est peu attrayante aux arabistes qui préfèrent souvent focaliser leurs recherches sur les pays « problématiques ». Cette attitude a créé un énorme vide dans les études qui concernent l’Algérie en Italie, malgré la contribution des artistes et des écrivains algériens dans l’enrichissement de la scène culturelle arabe et universelle… Nous avons donc choisi dans ce numéro de parler de Baya Mahieddine dans la rubrique dédiée aux arts visuels, des poétesses anonymes des Bouqalates algériennes ; nous avons traduit Abdelouahab Aissaoui (Prix Booker arabe 2020), et Youssef Baaloudj dans la littérature d’enfance. Dans les interviews nous avons rencontré Ahlam Mosteghanemi, mais aussi Massimo Carlotto, l’un des plus fameux romanciers italiens qui nous a parlé de son rapport exceptionnel avec l’Algérie… Mais le numéro n’a pas manqué aussi de traiter de la littérature palestinienne à travers la plume raffinée de Najwan Darwish, et bien d’autres pays arabes dans les différentes rubriques.

  • Comment vivez-vous l’expérience de directrice d’une revue littéraire ?

Gérer une revue littéraire est surtout une énorme responsabilité, cela je l’ai appris en Algérie lorsque je dirigeais, « Aqlam », pour l’Union des écrivains algériens, mais lorsqu’il s’agit d’une revue interculturelle, la tâche devient beaucoup plus complexe car les dynamiques éditoriales sont différentes. Coordonner le travail entre 3 continents était quand même fluide ayant eu affaire à des professionnels. Pour cela je tiens à remercier l’équipe merveilleuse qui m’a accompagnée dans cette belle aventure.

Sara Kharfi

*Amal Bouchareb vient de publier aux éditions Chihab (Algérie), un nouveau roman intitulé « Fi el badê kanat al-kalima » (au commencement était le mot). Cet ouvrage vient clore sa trilogie composé de « Sakarat Nedjma » (2015) et « Thabet edholma » (2018), parus tous deux chez le même éditeur.

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